mardi 18 septembre 2007

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Le vent, les pieds mouillés sur les coquillages brisés, on ne peut parler de la nature comme de quelque chose de distinct de l’esprit, Schrödinger, celui du chat mort et vivant, l’a dit au cours d’un entretien, d’autres l’ont écrit, ainsi ou autrement, Aristote, Spinoza, l’âme et le corps, la pensée et l’univers, la substance mentale et la substance corporelle sont deux aspects d’un ordre unique. Pétale, plume, vague, rétine, soleil, photon, pensée : la conscience est une dimension de l’univers. Bayle (Objections à Poiret) : la matière peut penser d’elle-même sans l’intervention d’un Dieu. Locke, Maupertuis, Voltaire (« la matière pensante », Correspondance), Hegel (« les figures de la nature et de l’esprit, lesquelles ne sont qu’un mode particulier d’expression de la pensée pure », Encyclopédie, § 24. Add.2), C’est une autre manière de dire l’ignorance.
L’ignorance que nous partageons, comme nos étranges oreilles, les battements du cœur, la suspension de l’incrédulité. Bergson (la vie : « la conscience lancée à travers la matière »). Freeman Dyson (« Mind and intelligence are woven into the fabric of the universe »). La pensée est ce qui a lieu. Dès qu’il y a lieu la pensée est là. Rien de ce qui est ne pourra échapper à notre compréhension puisque nous sommes aussi. David Hilbert (gravé sur son tombeau : «Wir müssen wissen, wir werden wissen », « nous devons comprendre, aussi nous comprendrons »).
Nous ne savons pas. Mais, très bientôt, nous saurons, d’un seul coup, de l’enfant au vieillard, ce jour-là, tout le monde saura. Dès que le langage est apparu l’homme est allé vite. Dès que l’on saura de quoi on parle tout sera dit. Jeudi dernier, deux Japonais ont fait une publication sur l’origine de l’eau et de l’océan terrestre, un débat qui favorise les proportions deutérium/hydrogène, D/H, que j’ai une envie de lire D.H Lawrence, ou bien les météorites (chondrites recherchées dans les déserts, ça se vend bien). Jeudi dernier. Et je tombe sur une note : Eugenio Montale : « l’eau, comme nous, se pense elle-même ». Je ne sais ce qu’il voulait dire et que pourtant j’entends. Au départ du langage, l’océan n’était pas une mer (« thalassa »), mais un fleuve (« potamos ») dont les eaux vives repassaient continuellement dans le même lit. Il était une limite entourant la terre, les étoiles étaient lavées par son eau (Iliade, VIII, 13 et 478), sa forme était celle d’un serpent, l’apparence de la psyché primitive. Un seul auteur, Cornutus, un commentateur stoïcien, proposa une étymologie traitée de fantaisiste : « Okéanos, c’est la parole qui va vite et tout de suite se transforme ». On ne sait rien. Comme tout le monde j’aime regarder les vagues et les nuages. Bientôt nous saurons.

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